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Il s’agissait
d’un texte source au sujet du choléra, et plus particulièrement dans le cadre
d’un article destiné à être inclus dans une encyclopédie des maladies
infectieuses. Dans la section consacrée
à l’épidémiologie de cette maladie, le texte mentionnaient l’origine hydrique
de l’infection du choléra (en anglais « a water-borne infection »).
La traduction de
ce syntagme par les termes français « maladie hydrique ou d’origine
hydrique » a ensuite fait l’objet d’une merveilleuse intervention critique de la part d’un des
membres de notre groupe, chercheuse en neurobiologie, réagissant en experte et du
fond de son cœur scientifique.
Je cite cette intervention pour en exploiter ensuite la portée linguistique sous forme d’hypallage
selon la définition de M. Rouleau (1994).
« Petit commentaire sur la définition de maladies hydriques. Bien que ces termes semblent être acceptés pour désigner le choléra ou la dysenterie, en tant que scientifique ces termes me semblent inappropriés. Ces maladies sont causées (l’origine) par des bactéries et non pas par l’eau (on déplace ici le réel lien causal). Bien sûr, ces bactéries se retrouvent principalement dans l’eau mais elles peuvent aussi se retrouver dans d’autres vecteurs. Également, avec mes réflexes de scientifique, la première impression que j’ai eue en lisant « maladies hydriques » c’est qu’il s’agissait d’un problème physiologique d’homéostasie (pour l’équilibre hydrique). Il s’agit d’une opinion personnelle mais je n’aurais pas voté pour cette définition. Le langage scientifique ou médical doit avoir une réelle signification scientifique… Un langage qui établit des liens de causalité très précis (si je peux dire). Et ici il me semble qu’il y a une dérive…mais encore une fois c’est une opinion personnelle” ».
Portée linguistique du commentaire
concernant les maladies hydriques selon la notion d’hypallage de M. Rouleau
(1994)
Notre chercheuse, experte en science, revendique le besoin de liens de
causalité précis et scientifiques entre les mots et leur qualificatif. En
effet, les termes « maladies hydriques » n’expriment pas de lien d’origine causale réelle
entre la bactérie (ou les vibrions) et la maladie (en occurrence le cholera),
mais un lien de vecteur (l’eau), qui
n’est pas non plus correct puisque d’autres vecteurs (la nourriture et les
excréments), pour le choléra, sont aussi vecteurs de cette maladie.
La notion d’hypallage soulève précisément ce genre de problème dans le
contexte de la traduction médicale. En effet, selon M. Rouleau (1994), l’hypallage
est « un procédé qui consiste à attribuer à un terme un qualificatif qui
ne s’appliquerait pas à ce terme, mais à une notion que celui-ci
implique ». L’exemple que M. Rouleau cite est celui de « l’inhibiteur calcique », où
l’inhibiteur n’a rien de calcique c-à-d qui signifierait « ce qui se
rapporte au calcium, ou qui en contient ». Les produits dits
« inhibiteurs calciques » sont en fait des « produits qui
perturbent le fonctionnement des canaux membranaires par où passent les ions
calcium” (p. 193). Et bien évidemment, cela ne signifie pas la même chose que
des produits contenant du calcium. La
différence étant appréciable d’un point de vue scientifique. C’est aussi pour
cette raison de dissonance sémantique dite d’hypallage, que notre collègue, réagissant
en scientifique, conteste la juxtaposition des termes “maladies + hydriques”. En effet, le terme « hydrique » ne
se rapporte pas à la cause de la maladie du choléra comme il le semblerait,
mais bien à certains vecteurs (et là encore pas tous) des vibrions, qui eux sont
à son origine véritable.
Il existe
d’autres exemples d’hypallage; par
exemple, les agglutinines froides en
hématologie, ou le quotient albumineux du sérum. Nous nous sommes toutes
essayées à l’exercice d’hypallage de l’Approche méthodique de M. Rouleau,
et sans doute que nous sommes toutes devenues beaucoup plus conscientes et aux
aguets d’un tel phénomène de juxtaposition et d’absence de liaison épithète réelle.
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Ceci dit, parfois
les exemples tombent du ciel, mais celui
des « maladies hydriques », je ne l’aurais sans doute jamais obtenu
par l’opération du Saint Esprit pour illustrer l’hypallage. Je vous
remercie donc encore une fois! ~(
:>
Référence
Rouleau, M. (1994)
La traduction médicale: Un approche méthodique. Brossard, Québec:
Linguatech.
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