Friday, September 12, 2014

Les maladies hydriques…Un exemple d’hypallage + que parfait

Copyright © Françoise Herrmann

Il s’agissait d’un texte source au sujet du choléra, et plus particulièrement dans le cadre d’un article destiné à être inclus dans une encyclopédie des maladies infectieuses.   Dans la section consacrée à l’épidémiologie de cette maladie, le texte mentionnaient l’origine hydrique de l’infection du choléra (en anglais « a water-borne infection »).

La traduction de ce syntagme par les termes français « maladie hydrique ou d’origine hydrique » a ensuite fait l’objet d’une merveilleuse  intervention critique de la part d’un des membres de notre groupe, chercheuse en neurobiologie, réagissant en experte et du fond de son cœur scientifique.

Je cite cette intervention pour en exploiter ensuite la portée linguistique sous forme d’hypallage selon la définition de M. Rouleau (1994).

Intervention concernant la définition des termes « maladies hydriques »
« Petit commentaire sur la définition de maladies hydriques. Bien que ces termes semblent être acceptés pour désigner le choléra ou la dysenterie, en tant que scientifique ces termes me semblent inappropriés. Ces maladies sont causées (l’origine) par des bactéries et non pas par l’eau (on déplace ici le réel lien causal). Bien sûr, ces bactéries se retrouvent principalement dans l’eau mais elles peuvent aussi se retrouver dans d’autres vecteurs. Également, avec mes réflexes de scientifique, la première impression que j’ai eue en lisant « maladies hydriques » c’est qu’il s’agissait d’un problème physiologique d’homéostasie (pour l’équilibre hydrique). Il s’agit d’une opinion personnelle mais je n’aurais pas voté pour cette définition. Le langage scientifique ou médical doit avoir une réelle signification scientifique… Un langage qui établit des liens de causalité très précis (si je peux dire). Et ici il me semble qu’il y a une dérive…mais encore une fois c’est une opinion personnelle” ».
 Portée linguistique du commentaire concernant les maladies hydriques selon la notion d’hypallage de M. Rouleau (1994)

Notre chercheuse, experte en science, revendique le besoin de liens de causalité précis et scientifiques entre les mots et leur qualificatif. En effet,  les termes « maladies hydriques »  n’expriment pas de lien d’origine causale réelle entre la bactérie (ou les vibrions) et la maladie (en occurrence le cholera), mais  un lien de vecteur (l’eau), qui n’est pas non plus correct puisque d’autres vecteurs (la nourriture et les excréments), pour le choléra, sont aussi vecteurs de cette maladie.

La notion d’hypallage soulève précisément ce genre de problème dans le contexte de la traduction médicale. En effet, selon M. Rouleau (1994), l’hypallage est «  un procédé qui consiste à attribuer à un terme un qualificatif qui ne s’appliquerait pas à ce terme, mais à une notion que celui-ci implique ». L’exemple que M. Rouleau cite est celui de « l’inhibiteur calcique », où l’inhibiteur n’a rien de calcique c-à-d qui signifierait « ce qui se rapporte au calcium, ou qui en contient ». Les produits dits « inhibiteurs calciques » sont en fait des « produits qui perturbent le fonctionnement des canaux membranaires par où passent les ions calcium” (p. 193). Et bien évidemment, cela ne signifie pas la même chose que des produits contenant du calcium. La différence étant appréciable d’un point de vue scientifique. C’est aussi pour cette raison de dissonance sémantique dite d’hypallage, que notre collègue, réagissant en scientifique, conteste la juxtaposition des termes “maladies + hydriques”. En effet, le terme « hydrique » ne se rapporte pas à la cause de la maladie du choléra comme il le semblerait, mais bien à certains vecteurs (et là encore pas tous) des vibrions, qui eux sont à son origine véritable.

Il existe d’autres exemples d’hypallage; par exemple, les agglutinines froides en hématologie, ou le quotient albumineux du sérum. Nous nous sommes toutes essayées à l’exercice d’hypallage de l’Approche méthodique de M. Rouleau, et sans doute que nous sommes toutes devenues beaucoup plus conscientes et aux aguets d’un tel phénomène de juxtaposition et d’absence de liaison épithète réelle.
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Ceci dit, parfois les exemples tombent du ciel, mais celui  des « maladies hydriques », je ne l’aurais sans doute  jamais obtenu  par l’opération du Saint Esprit pour illustrer l’hypallage. Je vous remercie donc encore une fois! ~(  :>

Référence

Rouleau, M. (1994) La traduction médicale: Un approche méthodique. Brossard, Québec: Linguatech.

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