Monday, September 1, 2014

Bistouri pour le serment d’Hippocrate

Copyright © Françoise Herrmann

Tant aux USA qu’en France les études de médecine se couronnent en prêtant solennellement le serment d’Hippocrate. Un acte qui enracine sans doute la médecine dans ses origines si profondes et anciennes de l’Antiquité grecque, d’il y a plus 2000 ans.  En effet, Hippocrate le Cos, est né aux alentours de l’an 460 av. JC. Médecin et philosophe on le considère père de la médecine, pour avoir fondé la discipline de la médecine et l’éthique de ses praticiens. Deux mille ans plus tard, on souhaiterait de toute évidence lui rendre hommage, en prononçant ses paroles, et peut-être par la même occasion s’approprier un peu de sa sagesse et de son savoir.

Mais serait-ce vraiment possible de prononcer ces paroles vieilles de deux mille ans, aujourd’hui, sans se heurter à l’évolution de la médecine, des sciences et technologies, des mœurs et pratiques, voire la résistance des maladies elles-mêmes?  Peut-on prétendre que le serment d’Hippocrate n’a pas vieilli comme s’il s’agissait d’une tirade de Molière ou d’un sonnet de Shakespeare, avec quelques siècles supplémentaires ?

Pour répondre à ces questions, il suffit de souligner tous les coups de bistouri apportés au serment  d’Hippocrate en comparant  trois versions: la version d’origine de l’antiquité grecque, une traduction de la version grecque d’origine, et le serment tel qu’il est prononcé en Belgique et en France, par exemple, aujourd’hui, selon les informations des sites de l’Ordre des médecins belges  ou  français.

Je vous laisse contempler la version grecque d’origine, et je souligne pour vous certaines différences, pour ne pas tout barioler, entre la traduction de la VO  d’il y a 2000 ans et une version courante dudit Serment d’Hipprocrate, en occurrence celle de l’Ordre National de Médecins (en France) en date du 1er mai 2012.. 

Version grecque antique

Traduction de la vo grecque antique

            Version contemporaine

OPKOΣ

μνυμι πόλλωνα ητρν, κα σκληπιν, κα γείαν, κα Πανάκειαν, κα θεος πάντας τε κα πάσας, στορας ποιεύμενος, πιτελέα ποιήσειν κατ δύναμιν κα κρίσιν μν ρκον τόνδε κα ξυγγραφν τήνδε. γήσασθαι μν τν διδάξαντά με τν τέχνην ταύτην σα γενέτσιν μοσι, κα βίου κοινώσασθαι, κα χρεν χρηίζοντι μετάδοσιν ποιήσασθαι, κα γένος τ ξ ωτέου δελφος σον πικρινέειν ἄῤῥεσι, κα διδάξειν τν τέχνην ταύτην, ν χρηίζωσι μανθάνειν, νευ μισθο κα ξυγγραφς, παραγγελίης τε κα κροήσιος κα τς λοιπς πάσης μαθήσιος μετάδοσιν ποιήσασθαι υοσί τε μοσι, κα τοσι το μ διδάξαντος, κα μαθητασι συγγεγραμμένοισί τε κα ρκισμένοις νόμ ητρικ, λλ δ οδενί. Διαιτήμασί τε χρήσομαι π' φελεί καμνόντων κατ δύναμιν κα κρίσιν μν, π δηλήσει δ κα δικί ερξειν. Ο δώσω δ οδ φάρμακον οδεν ατηθες θανάσιμον, οδ φηγήσομαι ξυμβουλίην τοιήνδε. μοίως δ οδ γυναικ πεσσν φθόριον δώσω. γνς δ κα σίως διατηρήσω βίον τν μν κα τέχνην τν μήν. Ο τεμέω δ οδ μν λιθιντας, κχωρήσω δ ργάτσιν νδράσι πρήξιος τσδε. ς οκίας δ κόσας ν σίω, σελεύσομαι π' φελεί καμνόντων, κτς ἐὼν πάσης δικίης κουσίης κα φθορίης, τς τε λλης κα φροδισίων ργων πί τε γυναικείων σωμάτων κα νδρων, λευθέρων τε κα δούλων. δ' ν ν θεραπεί δω, κούσω, κα νευ θεραπηίης κατ βίον νθρώπων, μ χρή ποτε κλαλέεσθαι ξω, σιγήσομαι, ἄῤῥητα γεύμενος εναι τ τοιατα. ρκον μν ον μοι τόνδε πιτελέα ποιέοντι, κα μ ξυγχέοντι, εη παύρασθαι κα βίου κα τέχνης δοξαζομέν παρ πσιν νθρώποις ς τν αε χρόνον. παραβαίνοντι δ κα πιορκοντι, τναντία τουτέων.
Texte grec  ed. E. Littré, Oeuvres complètes d'Hippocrate, vol. 4 (Baillière, Paris 1844), p. 628-632.

Serment d'Hippocrate

Je jure par Apollon médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce contrat; de considérer d'abord mon maître en cet art à l'égal de mes propres parents; de mettre à sa disposition des subsides et, s'il est dans le besoin, de lui transmettre une part de mes biens; de considérer sa descendance à l'égal de mes frères, et de leur enseigner cet art, s'ils désirent l'apprendre, sans salaire ni contrat; de transmettre, les préceptes, des leçons orales et le reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître, et aux disciples liés par un contrat et un serment, suivant la loi médicale, mais à nul autre.

J'utiliserai le régime pour l'utilité des malades, suivant mon pouvoir et mon jugement; mais si c'est pour leur perte ou pour une injustice à leur égard, je jure d'y faire obstacle. Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l'initiative d'une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif. C'est dans la pureté et la piété que je passerai ma vie et exercerai mon art. Je n'inciserai pas non plus les malades atteints de lithiase, mais je laisserai cela aux hommes spécialistes de cette intervention. Dans toutes les maisons où je dois entrer, je pénétrerai pour l'utilité des malades, me tenant à l'écart de toute injustice volontaire, de tout acte corrupteur en général, et en particulier des relations amoureuses avec les femmes ou les hommes, libres ou esclaves. Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au-dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes.
Eh bien donc, si j'exécute ce serment et ne l'enfreins pas, qu'il me soit donné de jouir de ma vie et de mon art, honoré de tous les hommes pour l'éternité. En revanche, si je le viole et que je me parjure, que ce soit le contraire.
Traduction
J. Jouanna, Hippocrate, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1992, annexe I.
 
Serment d’Hippocrate 05/01/2012

Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services  qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.
[Ordre national des médecins (France) ]                                                 

Quelles sont donc ces paroles que les jeunes médecins prononcent  fièrement aujourd’hui en fin de leurs études? Celles d’un Hippocrate muse, révisé, opéré, rafistolé, ré-actualisé ? Celles d’un comité d’éthique inspiré, éclairé, idéaliste, plagiste, romantique, voire démagogue?   À vous de trancher…ou d’en rajouter ! Mais rassurez-moi, car il s’agit de l’Ordre de médecins! :-) ~(  :>

 Références
Ordre des médecins – Belgique'

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