Friday, September 5, 2014

Les éponymes – parlons-en !


Copyright © Françoise Herrmann

Quid les éponymes?
Chouette, une vraie fiche technique…

L’éponyme renvoie au personnage ou au lieu qui a donné son nom à quelque chose, en occurrence un objet, un geste, une notion, et par extension sert à designer cet objet, notion, geste etc. (Monin, 1996).  L’éponyme est donc un terme qui comprend un nom propre (celui d’un personnage ‘patronyme’ ou du lieu ‘toponyme’ qui prête son nom). Lorsque ce nom propre disparait sous forme d’adjectif, de substantif ou de verbe, on parle d’éponyme banalisé (Van Hoof, 2001). C’est le cas, par exemple, de la pasteurisation et des produits pasteurisés où le nom propre de Louis Pasteur, inventeur de ce procédé, a disparu pour ne retenir que le procédé sous forme d’éponyme dit banalisé.

 Et en médecine les éponymes foisonnent ! Nous pourrions y passer plusieurs semaines…

Il y des éponymes pour designer de nombreuses parties de l’anatomie (par ex. le tendon d’Achilles, la pomme d’Adam, l’aire de Broca), de nombreuses maladies (par ex. la maladie de Charcot, la maladie de Creutzfeldt-Jacobs), des gestes de la chirurgie (par ex. l’opération de Bankart), des interventions (par ex. la méthode de Ponsetti pour le traitement du pied bot), des instruments (par ex. la pince porte aiguille de Mayo), des signes (par ex. le signe de Babinski), des examens (par ex. le frottis cervico vaginal de Pap), des unités de mesure (par ex. le score d’Apgar en néonatalogie, ou le Roentgen, mesure d’exposition aux rayons X), voire des vaccins (par ex. le vaccin de Sabin antipolyomyélitique,  le B.C.G ou vaccin de Calmette-Guérin antitberculeux), etc…

Outre leur catégorisation (par ordre de fréquence, par type de référent …), quel intérêt? 
Moult, moult!

 Premièrement, pour les férus d’étymologie, leur histoire et l’Histoire. Découvrir à l’occasion de leur classification, qui est l’illustre personnage qui a éponymisé ou qui fut éponymisé posthumement. On y découvre ainsi, en médecine, Jean Martin Charcot, Marie et Pierre Curie ou Louis Pasteur,  mais aussi le joueur de baseball américain « Lou Gehrig », Alfred Musset (le poète) et Œdipe! Et pour les lieux éponymisés, la rivière Ebola de la République du Congo, par exemple, qui donne son nom au virus qui fait rage aujourd’hui  (au mois de Sept. 2014) en Afrique de l’Ouest.  

Deuxièmement, pour les traductrices et traducteurs, il existe certaines  difficultés identifiées par rapport à la traduction des éponymes. Certes, il s’agit de noms propres, lorsque l’éponyme n’est pas banalisé, mais les éponymes ne se traduisent pas toujours par le même nom propre dans les deux langues, précisément en raison de l’étymologie, mais aussi d'autres aspects socio-culturels des éponymes. Par exemple, on parle de la maladie de Charcot en France et de la maladie de Lou Gehrig aux USA. Dans les deux cas il s’agit de la SLA - sclérose latérale amyotropique. On dit aussi la maladie de Graves aux USA et la Maladie de Basedow en Europe pour designer des troubles de la thyroïde.

 Les éponymes sont aussi parfois homonymiques (un seul éponyme avec des significations différentes). Par exemple, la maladie de Paget (Paget’s disease) qui se rapporte à trois maladies différentes: la maladie de Paget du mamelon (forme de cancer du sein), la maladie de Paget des os (ostéite déformante) et la  maladie de Paget génitale (l’abcès de Paget) d’après le chirurgien et médecin britannique Sir James Paget (1814-1899).

Ailleurs on parlera de ces difficultés de la traduction en termes de pièges. En tous les cas, il faudra faire attention et bien vérifier la traduction de l’éponyme dans un dictionnaire avant de se ruer vers une traduction texto sous prétexte qu’il s’agit d’un nom propre. 

Mais ce n’est pas tout ! Troisièmement, on s’intéresse aussi aux éponymes pour essayer de répondre à la question : “Pourquoi les éponymes? ». Et là, les explications passent du charitable à l’impitoyable!

Coté charitable on parlera d’humanisation du corpus médical. On célèbre et honore les personnes qui ont contribué à la science. Van Hoof (1986) nous dit :
« “L’habitude d’accoler un éponyme à une loi, à une maladie, à un symptôme, ou à une unité est fort ancienne, on a  ainsi perpétué la mémoire de ceux qui ont contribué à la science ou à l’art de guérir; et c’est la justice.”
Côté impitoyable, Balliu (2010) démasque l’auréole scientifique du langage de la médecine dans un contexte socioculturel in vivo (les consultations et services d’un hôpital), où il peut montrer à force d’énonciations prononcés par les médecins, la dissociation de ce langage rapport à son sujet principal le plus important, c-à-d le patient. Et il nous dit à l’égard des éponymes:
“L’éponyme médical, fréquent, dérobe au patient sa pathologie pour que le médecin qui a découvert l’agent infectieux  ou la maladie (et parfois la guérie) puisse entrer à jamais dans l’histoire de la médecine. »
Mais sachez, en fin de compte, qu’en 2014, on décourage dans les écoles de médicine l’usage des éponymes, tout simplement parce que leur utilisation n’est pas aussi précise que les termes scientifiques et ainsi risque de nuire à l’efficacité de la communication, et aussi parce que la médecine évolue. Par exemple, on parlera aujourd’hui de la Trisomie 21, et non plus du syndrome de Down. Et, en ce cas, à la vérité, vive la vérité !  ~( :>

Références
Balliu, Ch. (2010) Le traducteur, le médecin et le patient. META, vol. 55(1) pp. 15-22.
Monin, S. (1996) Termes éponymes en médecine et application pédagogique. Actes du 17e Colloque de GERAS.
Van Hoof, H (1986) Les éponymes médicaux: Essais de classification. META, vol. 3(1) pp. 59-84
Van Hoof, H. (1993) Dictionnaire des éponymes médicaux, français-anglais  Louvain-la-Neuve, Belgique: Peeters BCILL (72) Bibliothèque des Cahiers de  L’Institut Linguistique de Louvain.
Van Hoof, H. (2001) La traduction des éponymes médicaux banalisés de la langue anglaise. META, vol. 45 (1), 82-91.

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