Thursday, October 9, 2014

Quid le langage de la médecine ? (3) Des abréviations

Copyright © Françoise Herrmann

 Pour les abréviations du langage de la médecine, il faudra distinguer en un premier temps: l’apocope et son opposé l’aphérèse, la syncope, les sigles, et les acronymes. Et on retiendra deux hypothèses traditionnelles  pour les expliquer: l’économie du langage et la mnémotechnique, en faisant abstraction d’autres processus plus créatifs de la néologie (élaborés par exemple dans Percevois [2001] pour un autre domaine).

L’abréviation concerne:
  • la réduction d’un ou plusieurs mots par suppression de phonèmes, syllabes ou lettres,  en fin de mot (dite apocope)
  • la réduction d’un ou plusieurs mots par suppression de phonèmes, syllabes ou lettres  en début de mots (dite aphérèse)
  • la réduction d’un ou plusieurs mots par  suppression de phonèmes, syllabes ou lettres  au milieu d’un mot (dite syncope)
  • la réduction d’un ou plusieurs mots par utilisation de lettres initiales (dite siglaison)
  • les acronymes, un cas particulier de siglaison.

 Cas de l’apocope -  Il s’agit de la suppression de plusieurs phonèmes, syllabes  ou lettres  en fin de mot, comme par exemple les termes dermatologie > dermato ; gynécologie > gynéco ; ophtalmologie> ophtalmo ; radiographie> radio ; chimiothérapie> chimio, adolescent(e)> ado, perfusion > perf; réanimation> réa; trouble> tr., ou en anglais deletion > DEL.

 Cas de l’aphérèse – Il s’agit de la suppression de plusieurs phonèmes, syllabes ou lettres  en début de mot,  comme par exemple endoscopie > scopie; coloscopie > scopie du colon;  broncoscopie > scopie des bronches; gastroscopie > scopie de l'estomac; radioscopie > scopie, le contexte aidant etc.

 Cas d’abréviation double (aphérèse et apocope)  - Il s’agit de la suppression de plusieurs phonèmes, syllabes ou lettres à la fois en début et en fin de mot, comme par exemple en anglais pour le mot influenza > flu!

 Cas de la syncope – Il s’agit de la suppression de plusieurs phonèmes, syllabes ou lettres  au milieu d’un mot, comme par exemple en notation chimique, certains mais par tous les éléments du tableau périodique, tels que le plomb> Pb, le radon >Rn, le curium > Cm et le thulium> Tm,  voire aussi  traitement > tt/ttt, pacemaker>PM   

 Cas de la siglaison – Il s’agit de l’abréviation par les lettres initiales ”épelées”  des mots comme par exemple, un CHU (Centre Hospitalier Universitaire), un AVC (Accident Vasculaire Cérébal) ou une IRM (Imagerie par Résonance Magnétique).  Et à cet égard, ne pas oublier que le sigle prend le genre du premier substantif réduit.

 Cas des acronymes – Il s’agit d’un cas particulier de siglaison où le sigle devient un mot (qui se trouve prononcé comme un mot plutôt qu’épelé par ses lettres initiales), servant d’abréviation, comme par exemple le SIDA (Syndrome de l’ImmunoDéficience Acquise) ;  le LASER (issu de l’anglais Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) ; voire le SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente).

Fonction mnémotechnique
Dans la plupart des cas d'abréviation il s’agit certes d’une économie du langage. En médecine il y aussi, plus particulièrement, de nombreuses instances d’abréviation mnémotechnique compte tenu de l’importance du corpus de terminologie anatomique ou en générale des quantités intenses d’informations à retenir. 

 Par exemple pour se souvenir de tous les petits os de la région carpe de la main, la siglaison des noms des os regroupée selon l’acronyme STOP :
Scaphoïde, Semi-lunaire, Trapèze, Trapézoïde, Grand os, Os crochu, Pisiforme, Pyramidal

 Et en anglais une double siglaison des os et de toute une phrase à valeur mnémonique  The Tom Cat Has Shaken Loose To Prowl  :
Trapezium, Trapezoid, Capitate, Hamate, Scaphoid, Lunate, Triqutum, Pisiform

Et pour se souvenir des facteurs favorisant par exemple l’ARTHROSE:
Age (sup. à 60ans),
Rhumatismes inflammatoires, infectieux ou microcristallins,
Traumatism, Hérédité,
Role de: dysplasie,
Obésité, Sexe(F>H),
Enfant: epiphysiolyse, ostéochondrite

 En traduction ...
Attention aux abréviations en traduction médicale. Selon Van Hoof (1996) et Monin (1993):

      1. Les abréviations sont parfois identiques dans les deux langues (par ex., ECG et EEG sont identiques en fr. et en anglais).
      2.  Elles sont plus souvent différentes dans les deux langues (par ex., RNA/ARN, DNA/ADN).
      3.. Il y a parfois absence d’abréviation en fr. pour une abréviation en anglais (par ex HMOHealth Maintenance Organization, PPO = Preferred Provider Organization, PM - PaceMaker)
      4.  À l’inverse, il n’y a parfois pas d’abréviation en anglais pour une abréviation en fr. (par ex.CHU - Centre Hospitalier Universitaire  ou CHG - Centre Hospitalier Général).

Il faudrait aussi ajouter ici le contexte à cette liste de précautions. L’anamèse ou le rapport d’intervention (chirurgicale), par exemple, sont truffés d’abréviations, en anglais comme en français, de termes qui ne sont pas normalement tronqués, dans une sorte de sténographie très personnalisée, meme lorsque dictés!. S’ajoute aussi le style particulier des praticiens et le cas de leur interlocuteurs /patients, donc toute une série de variables contextuelles qui détermineront l’emploi de l’abréviation et de ses formes.

Et finalement attention aux différences d’usage entre le Canada et la France, où on traduit beaucoup plus systématiquement toutes les abréviations, comme vous pourrez le constater en basculant entre les volets du site Canada Health et Santé Canada du gouvernement canadien.

 Par ailleurs, à l’intersection de la linguistique et de la médecine, n’oubliez pas non plus de chercher et de décomposer le sens médical des termes « syncope, apocope et aphérèse »… d’origine grecque, et en ce sens aussi très à l'ordre du jour ! ~ ( :> 

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Et, patience... encore un Quid le langage medical (4), finalement en contexte! 
 
References

Monin, S. (1993) Siglaison en langue médicale et problèmes de traduction. La Revue du GERAS (Groupe de recherche en anglais de spécialité.2:1993 Actes du 14e Colloque du GERAS.
http://asp.revues.org/4264?lang=en


Percevois, J. (2001) Fonctions et vie des sigles et acronymes en contextes de langues anglaise et française de spécialité. META 46(4) 627-645.
http://www.erudit.org/revue/meta/2001/v46/n4/003821ar.pdf

Van Hoof, H. (1996). Précis de traduction médicale. Paris, France : Editions Maloine.

Wikipedia – CARPE (Anatomie)

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