Copyright © Françoise Herrmann
Si la pratique de la médecine
se revendique d’une histoire vieille de 2000 ans, la traduction elle aussi remonte
très loin, tant en Europe et qu’en Extrême Orient.
La FIT – Fédération
Internationale des Traducteurs a choisi St. Jérôme comme le Saint Patron des traducteurs
et traductrices. Saint Jérôme fut le premier traducteur de l’Ancien testament de
la bible en hébreu vers le latin, dont il acheva l’œuvre en 405 après J.C. Il y
a donc fort longtemps…. Et voici, en outre, un
texte qui a forgé l’histoire de l’humanité à plus d’une reprise, sans parler
des fleuves de sang que ses pages auront fait couler!
Mais en remontant le temps
plus à l’Est cette fois, en l'an 540 après J.C, vers les montagnes sacrées du nord de la Chine, nous
y rencontrons nos ancêtres-en-pratique chez les moines Shaolins, chargés par l’Empereur de traduire des textes
en sanscrit vers le chinois.
L’histoire veut que lorsque Dharma, Maître des
temples bouddhistes aux Indes, vint pour inspecter le travail de traduction des
moines Shaolins, il fut outré par leurs habitudes de travail. Sans activité physique, recroquevillés sur
des tabourets, les moines n’avaient aucune énergie pour méditer, ni suivre les règles
de vie même les plus élémentaires du bouddhisme.
Dharma commença donc par
leur enseigner 18 mouvements, inspirés de la nature et de la démarche des animaux tels qu‘on les retrouve
dans l’iconographie Indo-chinoise. Des mouvements inspirés de
la grâce et des comportements du tigre, du singe, de l’aigle, du léopard, du dragon, du serpent, de
la grue et de la mante religieuse -- à fonction mnémonique aussi, pour que les moines s’en souviennent plus
facilement.
L’histoire ne fournit que
des hypothèses pour expliquer pourquoi les moines Shaolins ont abandonné la traduction
pour devenir des guerriers, spécialistes des arts martiaux Kung Fu. On suppose que ce
fut la nécessité de se défendre ou, pourquoi pas, le choix d’une autre vocation
dans le plaisir du mouvement d’un corps revitalisé. Toujours est-il que les
moines Shaolins ne luttent plus avec les mots et leur sens, mais avec leur
corps et les prouesses qu’ils peuvent atteindre dans la pratique et la
discipline de leur art martial qui se nomme Kung Fu.
Il y pourtant dans cette
histoire de nos ancêtres-en-pratique, l’histoire d’un corps
professionnel et d’une intervention pour le sauver. Car si nos ancêtres les moines Shaolins se
prosternaient pendant de nombreuses heures sur leurs textes sans activité
physique, et qu’ils en souffraient avant l’intervention de Dharma pour
les remettre en forme, nous risquons de faire exactement pareil devant nos consoles
ordinateur !
1500 ans plus tard, le travail de la
traductrice et du traducteur sollicite toujours de longues heures d’immobilité
et de concentration. Yeux, poignets, colonne vertébrale, épaules, nuque, mains…
la traduction sollicite notre corps, et le met en tension pendant de nombreuses
heures. Mais, à la difference de nos ancêtres; nous devrons nous tourner aujourd’hui vers la médecine du travail, ou
vers les informations diffusées par les grandes organisations telles que OSHA, chargées
de la protection et de la santé des travailleurs et de la sûreté des conditions de travail, pour connaître les risques de
notre métier, et toutes les solutions ergonomiques et physiques qui nous sont
offertes et recommandées.
À l’instar des moines
Shaolins, nous sommes toutes et tous tenu(e)s de protéger notre corps professionnel afin de
conserver intacte la joie de la traduction que nous conte Paul Ricoeur (2004) . Mais, à la grande différence de nos
ancêtres-en-pratique, les moines Shaolins, nous avons tous et toutes choisi de poursuivre la traduction !
Et que sais-je? Peut-être même, en retour de l'histoire, sur un tapis de Kung Fu, pour garder la forme! ~( :>
Référence
OSHA - Occupational Safety and health administration
Programme d’une représentation des Arts martiaux Kung Fu, organisée au Masonic Auditorium à San Francisco, Californie, le 21 mars 2004.
Ricoeur, P. (2004) "Défi et Bonheur de la traduction", dans Sur la Traduction. Paris, France: Editions Bayard.
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