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Sunday, October 18, 2015

Quid l’haplologie des mots construits ?

Copyright © Françoise Herrmann

L’haplologie des mots construits est un processus linguistique qui explique pourquoi on dit autant « coloscopie » que « colonoscopie ». Et inversement l’absence d’haplologie explique pourquoi on dit « haplologie » et non *haplogie !

On trouve aussi le processus d’haplologie en anglais, par exemple, et à la différence des mots suivants du français :
 « dilation » (anglais)  et non  *dilatation (comme en français),
 « hydration » (anglais) et non *hydratation  (comme en français),
 « dietician » (anglais), et non * dietiticien » (en français diététicien), voire
 « appendectomy » (anglais) et moins souvent « appendicectomy » (en français appendicectomie)

Que se passe-t-il ? Quid l’haplologie des mots construits ?

Tout d’abord, quid les mots construits ? Il s’agit de tous les mots qui se composent de plusieurs morphèmes ou unités de sens. En langue médicale, par exemple, où il y a foisonnement de mots construits savamment à partir du latin et/ou du grec, il s’agit des mots composés par exemple à partir d’une racine et d’un suffixe et/ou d'un préfixe. Par exemple tous les mots qui se terminent par le suffixe « -logie » signifant « étude » sont des mots construits, en composition avec diverses racines pour signifier tdes  branches d’étude de la médecine, par ex. : la bio-logie, la pneumo-logie, l’ophtalmo-logie, la bactério-logie, l’otorhinolaryngo-logie,  néphro-logie, hépato-logie, cardio-logie, la gynéco-logie etc.

L’haplologie, selon Corbin et Plénat (1992), est un phénomène de « superposition de deux syllabes ou de deux fragments de syllabes identiques à la jointure d’une base et d’un suffixe (ou d’un élément de composition) ». C’est la raison pour laquelle on dit pour la composition de:

nephron + logie > néphrologie et non *néphronologie
pneumon + logie > pneumologie et non *pneumonologie
pneumon + ectomie > pneumectomie plus souvent que pneumonectomie
micro + bio + bio + logie > microbiologie et non *microbiobiologie
sarco + ome > sarcome et non * sarcocome
mammal + logie > mammalogie et non * mammalologie
  
L’haplologie se situe donc à la frontière entre deux unités de sens. Il s’agit ainsi d’un phénomène qui nous intéresse beaucoup en langue médicale ou les mots se construisent en se composant savamment. En effet, il faudra faire attention tant à la composition des mots pour en dériver le sens, qu’a leur morphologie, ou la façon dont les mots se composent, avec ou sans haplologie, c’est à dire avec ou sans répétition de syllabes identiques à la jonction des morphèmes, voire avec ou sans troncature des morphèmes.

Les règles de la langue qui vont régir la présence ou l’absence d’haplologie sont des règles tant phonologiques que variables d’un locuteur à l’autre. Les tests effectués sur néologismes avec des sujets- informateurs de recherche linguistique ont permis à Corbin et Plénat (1992) de dériver quelques contraintes, telles que la longueur des morphèmes.

En effet, plus les morphèmes sont courts, moins il y aurait d’haplologie. Par exemple, ils citent le suffixe –iste (pour signifier un adepte, un partisan, le nom d’un métier, etc.) qui entraine en général l’haplologie, par exemple analyse + iste dans le mot composé « analyste » et non *analyséiste. En revanche, Corbin et Plénat (1992) montrent l’absence d’haplologie avec un morphème très court tel que le nom du pape Pie. En effet pour Pie + iste, les sujets informateurs ont choisis « Piistes » (sans haplologie) plus que *Pistes  (avec haplologie) qui se confondrait aussi avec une autre sens, et idem pour les spécialistes des crises. Les sujets informateurs transforment crises + iste, sans haplologie, en « crisistes » et non en *cristes (avec haplologie) qui se confodrait aussi avec un autre sens. 

Par ailleurs, Corbin et Plénat (1992) indiquent aussi que les sujets informateurs semblaient préférer un certain équilibre entre les morphèmes de part et d’autre de la jonction des mots construits. C’est à dire que l’haplologie viendra parfois équilibrer la longueur des morphèmes de part et d’autre de la jonction des mots construits, en supprimant une syllabe. Par exemple pour wolof + phone, les informateurs choisissent wolophone  au lieu de  *wolofophone  en référence aux personnes qui parlent la langue Wolof au Sénégal. En revanche, l’absence d’haplologie dans le mot “haplologie” composé de haplo + logie permet de conserver le sens du morphème « haplo » qui signifie « une seul fois » en grec.

Il y bien sûr d’autres règles phonologiques qui régissent la jonction des morphèmes dans la composition des mots construits, comme par exemple les voyelles (o) et (i) qui s’interposent entre consonnes à la jonction des morphèmes. Mais vous trouverez aussi des cas où c’est l’haplologie qui l’emportera, tels les exemples susmentionnés. 

L'hypothèse avancée par Courbin et Plénat (1992) étant une règle prosodique, ou le suffixe viendrait s'ancrer comme une terminaison melodique à la racine (ou base) du mot frontière, en se superposant de façon contiguê a une séquence identique de sons! 
Schéma de l'haplologie
Tapis + iste > les tapistes

Référence

Corbin, D.  et M. Plénat (1992) Notes sur l’haplologie des mots construits. In Langue française, 96, pp. 101-112. http://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1992_num_96_1_5784

NB. Par convention linguistique, l'astérisque indiqué devant certains mots de ce billet signifie un mot inaccepté ou non retenu dans les dictionnaires, ou autres sources de référence. 

Sunday, October 5, 2014

Quid le langage de la médecine ? (1) Un langage savant !

Copyright © Françoise Herrmann

 Et pourquoi donc savant ?

Parce qu’il s’agit d’un langage très ancien, à la grande différence de nombreux autres langages techniques (à l’exception de celui de la loi), construit de toute pièces, à partir du latin et du grec.

 Le mot « médecine » vient du latin « medicus » qui signifie « qui guérit”. Toutes les civilisations du monde (Indienne, du Moyen et de l’Extrême Orient et d’Europe) possèdent d’anciens systèmes codifiés de pratique médicale, dont on retrouve les traces écrites. Certains de ces anciens systèmes, tels que la médecine Ayuverdique aux Indes et celle de la Chine traditionnelle, sont du reste toujours pratiqués avec divers degrés d’autonomie et d’intégration par rapport à la médecine moderne (c-à-d occidentale et pharmaceutique).

 La médecine d’Europe et d’Amérique (du nord) remonte à la civilisation grecque (500 à 30 ans avant JC), en passant ensuite par la civilisation de l’Empire romain (100 ans avant JC à 400 ans après JC) et celle de l’Europe médiévale (de 1200 à 1500 après JC).  Donc, une histoire longue de 2000 ans qui forme les bases du langage médical d’aujourd’hui, en Europe et aux USA.

 De ses origines antiques, le langage médical conserve ses racines, préfixes et suffixes issus directement du latin et du grec, qu’il compose très systématiquement dans le but de décrire le corps dans tous ses détails, son fonctionnement ou son dysfonctionnement.

 Les préfixes sont des structures au début d’un mot qui modifient le radical. Par exemple le préfixe « hypo- » (issu du grec « ὑπό ») signifie en dessous, ou insuffisance, alors que le préfixe « hyper -» (son contraire, issu du grec  «υπέρ ») signifie en dessus, ou excès. Lorsque combinés  au terme « tension », ces deux préfixes  fournissent les termes « hypertension » et « hypotension » qui signifient respectivement « tension élevée » et « tension basse ». Idem pour le terme « glycémie » mentionné dans un billet précédent, où on obtient « hyperglycémie » et « hypoglycémie » pour signifier respectivement « taux de sucre trop élevé dans le sang » (hyper-) et « taux de sucre trop faible dans le sang » (hypo-).  
 
À noter par ailleurs, d’après ces deux derniers exemples concernant le taux du sucre dans le sang, que les préfixes issus du grec ou du latin apportent aussi précision et concision, c-à-d une économie des mots sans sacrifice du sens, et très utile en situation d’urgence.

En traduction médicale, on se penchera ainsi sur les très nombreux préfixes issus du latin et du grec (par ex. anti-, auto-, dys-, inter-, intra-, péri-, endo-, etc…), pour en reconnaitre immédiatement la signification, et ainsi faciliter la compréhension des termes qui se composent par leur intermédiaire, dans un texte médical. 

 Les suffixes sont des structures en fin de mot qui modifient le radical ou la racine du mot. Tout le monde connait par exemple  les suffixes « -logie », «  et « -logue » l’un et l’autre issus du mot latin « –logia » et du  grec « -λογία » qui signifie « dire », et avec lesquels on forme la science ou l’étude scientifique d’un domaine, comme par exemple les mots « dermatologie et dermatologue » ou « neurologie et neurologue », voire «radiologie et radiologue ».

 Ici aussi, en traduction médicale, on cherchera à repérer  les très nombreux suffixes latins ou grecs (par ex. –manie, -spasme, -sténose,  -plastie, -algie, -hypoxie, -ectomie, etc..)  et à connaitre leur signification, dans le but de faciliter la compréhension des termes additionnés d’un suffixe dans un texte médical.

 Le radical ou la racine du mot se compose avec un préfixe et/ou un suffixe qui s’y rattache. On connait en général la conjugaison des verbes français. On y parle toujours de la racine du verbe et de ses terminaisons,  à tous les temps et à tous les modes. En dehors de la conjugaison des verbes  de notre quotidien,  le langage de la médecine se compose de mots qui foisonnent  de racines latines et grecques qu’on repèrera dans leur relation aux suffixes et préfixes, et dont on apprendra à connaitre le sens, toujours aux fins de faciliter la lecture et la compréhension d’un texte médical.  

 On fera ainsi circuler des listes où figureront des radicaux tels que: myo-, phrén/o- , osté/o, hépat/o, mamm/o, phlébo- , etc.. dont on élucidera le sens pour ensuite les composer avec divers préfixes et suffixes semblables à ceux mentionnés ci-dessus. Et à l’inverse, on fera aussi circuler des listes de mots à décomposer (par ex. une liste des branches et spécialisations de la médecine) pour en extraire les parties radical, préfixe et/ou suffixe, et le sens qui s’y trouve véhiculé.

 En composant et décomposant ainsi les mots du langage de la médecine à partir de leur racines, préfixes et suffixes, dont on apprend la signification, on se familiarise avec le fonctionnement et les sens de ce langage, ses rouages, ses origines, et tout le système référentiel qui lui donne des signifiants.

 L’initiation à la formation des mots du langage médical offre accès au mystère de ces mots –dits savants,  très longs,  d’apparence compliquée ou parfois très semblables. Par exemple, lorsqu’on comprend comment marche cet agencement des racines, préfixes et suffixes, les mots suivants se déchiffrent et se distinguent immédiatement et très facilement : laryngoplastie, laryngoplégie, laryngoscope, laryngoscopie, laryngospasme, laryngosténose, laryngostomie et larygotomie.  Et par la même occasion on apprend la précision et l’économie de ce discours, qui parait parfois si revêche.

 Mais ce n’est pas tout !  Il y a encore d’autres aspects du langage médical que nous étudions, et qui s’imposent à sa caractérisation; en occurrence les synonymes,  les acronymes et les abréviations  qui feront l’objet d’autres billets ultérieurs.