Thursday, September 8, 2016

Quid le langage de la médecine? (4) Un langage en contexte

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Oui, je vous demandais donc de ne pas oublier le contexte ! Et de toute évidence tout se coince en son absence…

Qu’est-ce donc que le contexte du langage médical et pourquoi est-ce si important ?

Lorsqu’on parle de contexte par rapport au langage, on change d’objet d’étude. On passe du langage à son utilisation, de la langue à la parole en termes anciens et Saussuriens…. C’est-à-dire, on passe d’un système abstrait -- du reste très, très bien décrit; de ses unités, (par ex. les mots, les suffixes, les préfixes);  et de ses propriétés, (par ex. de synonymie, d’antonymie, voire du singulier ou du pluriel), vers une notion de sujet parlant et ses interlocuteurs ou son public. Et cette différence change tout. Surtout, elle explique davantage de phénomènes, notamment le choix ou la variation linguistique (du sujet parlant à l’attention de ses interlocuteurs).

En effet, l’introduction d’un « sujet parlant » dans l’étude du langage change la façon dont on conçoit du langage et en occurrence celui de la médecine ! Souvenez-vous par exemple des synonymes. Sans notion de contexte on ne peut pas facilement expliquer pourquoi il en existe tant ! Certes, on peut décrire la terminologie latine et grecque et en analyser sa formation ou son étymologie, et on peut aussi étudier les écarts avec les propositions de standardisation, mais pour expliquer la co-existence de toutes ces terminologies, il faudra une notion d’utilisation et surtout de variation.

Souvenez-vous aussi des abréviations et de leur foisonnement lorsqu’il s’agit d’un moyen mnémonique; des emprunts (ou anglicismes) aux frontières du français au contact de l’anglais; du contexte des ordonnances où on emprunte tantôt au latin tantôt à la sténographie; des acronymes, même empruntés qui ont déjà pris racine dans la langue réceptrice (je pense au laser par exemple); et des abréviations non-standardisées, définies dans le cadre d’une étude de recherche, fidèles aux fonctions du raccourci (par ex. on ne dira pas à chaque fois "le groupe de contrôle sous traitement conventionnel de statines"). Bref, il s'agit de toute la variation qui existe au niveau de l’utilisation des abréviations, et qui échappe complètement à une taxonomie descriptive -- et non moins intéressante -- des moyens d’abréviation au niveau de la langue (par ex. apocope, syncope, aphérèse etc.)

Le langage de la médecine nous l'étudions en un premier temps sous forme de système, en vase essentiellement  clôt, c’-à-dire, en dehors de son utilisation dans une consultation, un service hospitalier ou autre lieu de la médecine. Nous nous penchons ainsi sur la composition et décomposition des mots, sur les synonymes et les abréviations, avec pour objectif de comprendre le sens que les mots véhiculent à partir de leur racines, préfixes ou suffixes ou, lorsqu’il y a synonymes, leur explication, voire leurs nuances, et idem pour les abréviations à multiples fonctions.

Il faudra pourtant aussi se tourner vers le contexte du langage de la médecine, vers son utilisation en temps réel dans un service, dans une consultation, en salle d’opération, vers son énonciation par les médecins, et autres professionnels de la santé, face aux patients et à leur sujet, et entre collègues.

Et, pour cela, il faudra lire l’œuvre de Christian Balliu (par ex. 2001, 2005a, 2005b, 2010), qui lui se met à l’écoute très précisément du langage médical en contexte, tel qu’il se trouve utilisé à l’étage d’un service, énoncé par ses véritables utilisateurs, les médecins. Il nous livre ainsi plus d’une surprise concernant ses propriétés et son fonctionnement, une caractérisation dite socio-culturelle, son objet se situant dorénavant  enraciné dans une communauté. 

Références
Balliu, CH (2005a) Le nouveau langage de la médecine : Une affaire de socioterminologie. META, vol 50(4).
Balliu, CH (2005b) Le nouveau langage de la médecine : Une affaire de socioterminologie. META, vol 50(4).
Balliu, CH. (2010) Le traducteur, le médecin et le patient.  META, vol. 55(1), p. 15-22. 

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