Monday, September 29, 2014

Sel ≠ Sodium – Mystère élucidé

Copyright © Françoise Herrmann

Il n’y a en fait pas de divergences significatives entre les recommandations de l’OMS [OMS] et celles des centres CDC aux USA [CDC], en matière de consommation du sel et de l’importance de ses limitations, afin d’éviter les risques de maladies cardiovasculaires.

Les centres CDC fournissent des chiffres  par rapport à la consommation quotidienne et tolérable de sodium. L’OMS fournit des recommandations  en matière de consommation quotidienne et maximum de sel.  Or le sel et le sodium, ce n’est pas une seule et unique substance, même si  les centres CDCs laissent supposer que le sodium, c’est du sel, dans leur expression: “Sodium (Salt)”.

En fait il y a environ 40% de sodium dans une cuillère à café de sel, le reste étant composé d’ions Cl (d’ions chlore).

Donc, si l’OMS recommande 5 gr ou moins de sel par jour (l’équivalent d’ une cuillère à café), cela signifie, 2 g de sodium par jour, ou moins. Encore faudrait-il que ce soit une cuillère à café américaine qui est en fait égale 6 grammes de sel, soit 2,4 g de sodium.

De leur côté les centres CDC indiquent une consommation tolérable de 2,3 g de sodium par jour.

Exprimées toutes deux en termes de sodium, il n’y a donc plus de divergences surprenantes entre les recommandations de l’OMS et celles des CDCs !

Ouf ! Mystère solutionné... ~( :>


Références
OMS1 Journée mondiale du cœur: Réduire les apports en sel permet de sauver des view
http://www.who.int/mediacentre/news/notes/2014/salt-reduction/fr/
CDC1 Americans consume too much salt
Communication personnelle avec le Pr. (Dr) Christian Lindmeier, Chargé de communication média, rattaché à l’OMS.

Le 29 septembre 2014 – Journée mondiale du cœur


Copyright © Françoise Herrmann

Tintin pour tous les grignoteurs de chips et de gourmandises salées…
Pour la journée mondiale du cœur, le 29 septembre 2014, l’Organisation mondiale de la santé (OMS): « appelle les pays à prendre des mesures contre la consommation excessive de sel en mettant en œuvre les recommandations OMS concernant la diminution des apports en sodium visant à réduire le nombre de personnes souffrant de maladies cardiaques et d’AVC et, en conséquence, de sauver des vies.»  [OMS 1]

En effet, l’OMS vise une diminution de 30% de la consommation du sel  à l’échelle planétaire d’ici 2025.
Parmi les mesures proposées dans le but de réduire la consommation en sel :
  •  règlementation et politique pour que les détaillants et fabricants réduisent la teneur en sel des produits alimentaires fabriqués
  •  marquage clair des aliments permettant d’en connaitre la teneur en sel
  • promotion d’environnements sains fournisseurs d’une alimentation à faible teneur en sel, tels que dans les  écoles, hôpitaux, établissements publics et lieux de travail
  • et la règlementation de la commercialisation  des boissons non alcoolisées et aliments destinés aux enfants.

Ainsi que des actions proposées aux consommateurs et aux familles, telles que :
  • lecture des étiquettes alimentaires
  • limitation  à un cinquième d’une cuillère à café par jour, de la quantité de sel ajoutée lors de la préparation des aliments
  • limitation de la fréquence de la consommation de produits très salés
  • éducation des papilles gustatives des enfants avec un régime d’aliments non transformés, sans sel ajouté
  • demande de produits alimentaires à l’achat avec une teneur en sel réduite
  • retrait des flacons de sel et de sauce de la table aux repas.   
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Donc, voila! C’est bien ce que je vous disais: Tintin pour les grignoteurs de chips et de gourmandises salées… en tout cas si vous tenez à vivre longtemps.

Et pour ce qui se rapporte aux chiffres fournis à la page citée  de l'OMS concernant la consommation en sel  recommandée, par jour, et par comparaison au taux de  consommation actuelle, il y a divergences, ou approximation trop large, entre les recommandations de  l'OMS et celles des centres  nationaux de règlementation aux USA (CDC - Centers for Disease Control):
soit moins de 5 gr (1 cuillère à café par jour) selon les recommandations de l'OMS [OMS1], par rapport à une borne supérieure de moins de 3,436 mg selon les recommandations des centres CDC) [CDC1]

De toutes les façons, fini le hareng fumé ...! ~(  :>

Références
OMS1 Journée mondiale du cœur: Réduire les apports en sel permet de sauver des view
http://www.who.int/mediacentre/news/notes/2014/salt-reduction/fr/
CDC1 Americans consume too much salt
http://www.cdc.gov/features/dssodium/

Saturday, September 27, 2014

Le Robert Méthodique – Un dictionnaire pas comme les autres !

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Voici un dictionnaire Le Robert de la langue française dont la particularité est de présenter les mots par leurs racines grecques et latines, avec regroupement par famille. Il s’agit ainsi d’un ouvrage très utile pour le langage médical, bien sûr, mais aussi pour la mémorisation des mots et de leurs sens.  

Pour le terme GLYCÉMIE --- voici comment Le Robert Méthodique nous renseigne :
GLYC(O)- : Elément qui signifie “sucre” et qui prend aussi la forme GLUC(O)- --- avec une liste de termes dérivés tels GLYCÉMIE, GLYCÉRINE , GLYCOGÈNE, GLYCOMÈTRE, GLYCOSURIE etc… 

Pour le terme GLYCÉMIE, Le Robert Méthodique renvoie aussi au suffixe –ÉM : Elément qui signifie “sang » avec un renvoi vers deux préfixes Hémato-, et Hémo- ; et une liste de mots en famille que vous connaissez sans doute : anémie  (anémique, anémier, anémiant), glycémie (hyperglymémie, hypoglycémie), leucémie (leucémique), septicémie, thalassémie, urémie (eurémique).
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Les dictionnaires sont chers, je sais, mais si vous faites de la traduction, il s’agit d’un outil indispensable. Et particulièrement en traduction médicale, car Le Méthodique vous permettra de trouver le sens des racines, préfixes et suffixes des mots d'origine greque ou latine qui foisonnent en médecine ! ~(  :>

Sunday, September 14, 2014

Le calendrier des campagnes de l’OMS

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Pour documenter vos connaissances en médecine et sciences de la santé, je vous avais proposé de ponctuer votre calendrier avec une célébration des campagnes de la santé publique de l’OMS [OMS]. Voici les dates des journées et semaines d’action de cette année 2014:
  • Journée mondiale de la tuberculose, le 24 mars
  • Journée mondiale de la santé, le 7 avril
  • Semaine mondiale de la vaccination, la dernière semaine d'avril
  • Journée mondiale du paludisme, le 25 avril
  • Journée mondiale sans tabac, le 31 mai
  • Journée mondiale du donneur de sang, le 14 juin
  • Journée mondiale de l'hépatite, le 28 juillet
  • Journée mondiale du sida, le 1er décembre

Cette suggestion avait pour but de vous faire découvrir ainsi les grands thèmes de la santé publique à l’échelle mondiale, vous permettant aussi d’y consulter toutes les données, éclairages  et rapports qui s’y rattachent.

En matière de traduction c'était aussi l'ooccasion de découvrir un très bel outil multilingue qui se décline en six langues, toutes parfaitement parallèles (français, anglais, russe, espagnol, arabe et chinois). Les onglets (au coin supérieur droit) vous permettant de basculer d’une langue à l’autre pour un contenu identique.

Il en reste une campagne de l'OMS cette année, le 1er décembre 2014, journée mondiale du SIDA.  

Rendez-vous donc d’ici deux mois ! Et j’espère tous les ans pour y constater des progrès, et une meilleure santé à l’échelle planétaire! ~(  :>

Référence
Campagnes mondiales de la santé publique de l’OMS

Friday, September 12, 2014

Encore… les maladies hydriques… et l’hypallage

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J’inclus la suite des échanges que j’ai eus avec Dre. E. (la voix de la science, et non celle de la médecine), suscité par l’hypallage le plus officiel de nos maladies hydriques et des inhibiteurs calciques de M. Rouleau. 

Dre. E- Et si je peux ajouter…maladies d’origine aquatique…ça ne veut rien dire. Cela peut être n’importe quoi et porte à confusion. Des algues peuvent être à l’origine, des amibes, le pH de l’eau, des métaux lourds, des produits chimiques, etc.

Si vous me permettez de réagir… dans l’exemple d’inhibiteurs calciques (ici calciques prend un s ? il me semble) le mot canaux est sous-entendu, pour j’imagine rendre les phrases plus courtes. Selon moi on comprend très bien qu’il s’agit de molécules qui bloquent l’activité des canaux calciques et uniquement ces canaux, pour moi il n’y a donc pas d’ambigüité. Mais avec l’étiquette « maladies d’origine aquatique » cela ne sous-entend rien. Comment distinguer le choléra (infection bactérienne) de l’amibiase (infection par une amibe) et de la maladie de Minamata (contamination par le mercure) ? Bien sûr dans les trois cas l’eau est secondairement impliquée, mais l’étiologie de ces maladies est complètement différente. Cette étiquette est beaucoup trop générale pour avoir un sens. Je ne sais pas qui a un jour « lancé » ce terme…Etes-vous certaine que ce mot vienne de scientifiques ?

FH - Voici une tentative de réponse très spéculative...

Pour répondre à votre question un peu rhétorique concernant l’invention du terme « maladie hydriques ou maladie d’origine aquatique » et la responsabilité des scientifiques compte tenu de l’imprécision inhabituelle de ce terme, je me hasarde à faire l’hypothèse complètement spéculative et sans ancrage dans aucun corpus de données étymologiques ou terminologiques, qu’il s’agit de toute évidence d’un terme moins savant qu’on l’imagine, créé ou utilisé peut-être à l’attention des personnes à risque, comme une mise en garde, ne serait-ce qu’une mise en garde à la fois indirecte et incomplète. Ces maladies hydriques, aquatiques ou de l’eau, signifient et mettent en relief l’eau et ses dangers. On ne peut pas toujours d’emblée et sans sollicitation expliquer et discuter tous les détails de l’étiologie d’une maladie comme vous avez eu la gentillesse de le faire dans le cadre de notre cours.

Quant au terme « inhibiteur calcique », vous le comprenez certes immédiatement car vous avez une formation qui vous permet de l’étoffer et d’ajouter tout ce qui n’y est pas exprimé, mais pour toutes les autres personnes, l’adjectif « calcique » se rapporte au mot « inhibiteur », au même titre que le terme «bleu ou rouge » pourrait le faire. En l’absence d’une connaissance des mécanismes inhibiteurs qui permet de combler toutes les informations sous-entendus du terme, un qualificateur en vaut bien un autre.

La leçon à retenir pour les traducteurs et traductrices dans le domaine médical est celle qui devra, d’une part nous faire redoubler d’attention pour les termes médicaux, en particulier ceux sous forme nom + adjectif, et d’autre part nous faire chercher à les comprendre aussi précisément de possible. ~( :>

Les maladies hydriques…Un exemple d’hypallage + que parfait

Copyright © Françoise Herrmann

Il s’agissait d’un texte source au sujet du choléra, et plus particulièrement dans le cadre d’un article destiné à être inclus dans une encyclopédie des maladies infectieuses.   Dans la section consacrée à l’épidémiologie de cette maladie, le texte mentionnaient l’origine hydrique de l’infection du choléra (en anglais « a water-borne infection »).

La traduction de ce syntagme par les termes français « maladie hydrique ou d’origine hydrique » a ensuite fait l’objet d’une merveilleuse  intervention critique de la part d’un des membres de notre groupe, chercheuse en neurobiologie, réagissant en experte et du fond de son cœur scientifique.

Je cite cette intervention pour en exploiter ensuite la portée linguistique sous forme d’hypallage selon la définition de M. Rouleau (1994).

Intervention concernant la définition des termes « maladies hydriques »
« Petit commentaire sur la définition de maladies hydriques. Bien que ces termes semblent être acceptés pour désigner le choléra ou la dysenterie, en tant que scientifique ces termes me semblent inappropriés. Ces maladies sont causées (l’origine) par des bactéries et non pas par l’eau (on déplace ici le réel lien causal). Bien sûr, ces bactéries se retrouvent principalement dans l’eau mais elles peuvent aussi se retrouver dans d’autres vecteurs. Également, avec mes réflexes de scientifique, la première impression que j’ai eue en lisant « maladies hydriques » c’est qu’il s’agissait d’un problème physiologique d’homéostasie (pour l’équilibre hydrique). Il s’agit d’une opinion personnelle mais je n’aurais pas voté pour cette définition. Le langage scientifique ou médical doit avoir une réelle signification scientifique… Un langage qui établit des liens de causalité très précis (si je peux dire). Et ici il me semble qu’il y a une dérive…mais encore une fois c’est une opinion personnelle” ».
 Portée linguistique du commentaire concernant les maladies hydriques selon la notion d’hypallage de M. Rouleau (1994)

Notre chercheuse, experte en science, revendique le besoin de liens de causalité précis et scientifiques entre les mots et leur qualificatif. En effet,  les termes « maladies hydriques »  n’expriment pas de lien d’origine causale réelle entre la bactérie (ou les vibrions) et la maladie (en occurrence le cholera), mais  un lien de vecteur (l’eau), qui n’est pas non plus correct puisque d’autres vecteurs (la nourriture et les excréments), pour le choléra, sont aussi vecteurs de cette maladie.

La notion d’hypallage soulève précisément ce genre de problème dans le contexte de la traduction médicale. En effet, selon M. Rouleau (1994), l’hypallage est «  un procédé qui consiste à attribuer à un terme un qualificatif qui ne s’appliquerait pas à ce terme, mais à une notion que celui-ci implique ». L’exemple que M. Rouleau cite est celui de « l’inhibiteur calcique », où l’inhibiteur n’a rien de calcique c-à-d qui signifierait « ce qui se rapporte au calcium, ou qui en contient ». Les produits dits « inhibiteurs calciques » sont en fait des « produits qui perturbent le fonctionnement des canaux membranaires par où passent les ions calcium” (p. 193). Et bien évidemment, cela ne signifie pas la même chose que des produits contenant du calcium. La différence étant appréciable d’un point de vue scientifique. C’est aussi pour cette raison de dissonance sémantique dite d’hypallage, que notre collègue, réagissant en scientifique, conteste la juxtaposition des termes “maladies + hydriques”. En effet, le terme « hydrique » ne se rapporte pas à la cause de la maladie du choléra comme il le semblerait, mais bien à certains vecteurs (et là encore pas tous) des vibrions, qui eux sont à son origine véritable.

Il existe d’autres exemples d’hypallage; par exemple, les agglutinines froides en hématologie, ou le quotient albumineux du sérum. Nous nous sommes toutes essayées à l’exercice d’hypallage de l’Approche méthodique de M. Rouleau, et sans doute que nous sommes toutes devenues beaucoup plus conscientes et aux aguets d’un tel phénomène de juxtaposition et d’absence de liaison épithète réelle.
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Ceci dit, parfois les exemples tombent du ciel, mais celui  des « maladies hydriques », je ne l’aurais sans doute  jamais obtenu  par l’opération du Saint Esprit pour illustrer l’hypallage. Je vous remercie donc encore une fois! ~(  :>

Référence

Rouleau, M. (1994) La traduction médicale: Un approche méthodique. Brossard, Québec: Linguatech.

Trois dictionnaires incontournables de la traduction médicale

Copyright© Françoise Herrmann

 On ne peut plus, en 2014, fournir une liste de références bibliographiques sans introduction aux méthodes de recherche documentaire et terminologique en traduction… Je saute donc plusieurs étapes, en vous fournissant cette liste.…
  • Le Dorland 2009 - Dictionnaire médicale bilingue français – anglais / anglais – français – Coordination de l’édition française par François Maniez. Issu de  la 28ème Édition de Dorland’s Pocket Medical Dictionary.  Issy-les-Moulineaux, France : Elsevier Masson SAS. Ce dictionnaire existe aussi sous forme e-book.
  • Hill, G. S. (2005) Dictionnaire des Termes Médicaux et Biologiques et des Medicaments / Dictionary of Medical and Biological Terms and Medications, français – anglais / anglais – français. Paris, France : Editions Flamarion Médecine Science.
  • Dictionnaire de l’Académie de Médecine. Version 2014.                  http://dictionnaire.academie-medecine.fr/ 

Pour ne pas pécher par omission, je m’empresse d’ajouter qu’il y en d’autres !


Sans oublier les dictionnaires monolingues de la médecine générale (et il faudrait ici aussi ajouter de chacune de ses spécialisations, donc de quoi monter tout un site web de référence actualisable..….)
  • En anglais (Versions Ipad, papier, en ligne, epub):

Stedman’s Medical dictionary, 28th Edition (US)
Dorland’s medical dictionary. (Elsevier Inc.).
Dorland’s Illustrated Medical Dictionary. (Elsevier Inc.)
Oxford Medical Dictionary (UK)
  • En français:

Dictionnaire de médecine (Editions Flammarion)
Le Larousse médical (Editions Larousse) et en ligne

Vous ajouterez sans doute les portails avec moteurs de recherche incorporés et traductions proposées par la foule… du style Reverso… Linguee ou Lexilogos… Mais attention… il faudra vérifier sérieusement toutes les traductions proposées, selon des références officielles ou agréées par la médecine.

En revanche, dans un autre billet, j'ajouterais volontiers toutes les autres banques de données spécialisées en médecine des grandes institutions de recherche privées et publiques (du style NIH et FDA aux USA, ANSM et INSERM en France, EMA en Europe et Santé Canada  au Canada)… Sans oublier les corpus que vous pouvez vous même constituer en vous servant d’un concordancier… ou ceux qui se trouvent déjà à disposition mais d’accès réservé…..

Bref, de quoi vous informer et vous aider à trouver le mot ou l’expression parfaite, sans excuses…   ~( :>

Wednesday, September 10, 2014

Mon grain de sel dans la théorie interprétative

Copyright © Françoise Herrmann

Mais de quoi vous mêlez-vous?
Pour une fois, exactement de ce qui me regarde … de mon quotidien !

Madame Lederer postule dans la théorie interprétative de la traduction trois phases : compréhension du message en langue d’arrivée, dé-verbalisation ou évanescence des sons du message, et ré-expression en langue d’arrivée. Je n’ai pas d’objection à ces explications du processus de traduction que j’admire et que je mets en pratique au quotidien. En outre, je suis tout à fait d’accord avec les objectifs de séparation des langues de départ et d’arrivée, afin d’éviter toute contamination ou interférence entre les deux langues.
  
Ce que je souhaite, c’est introduire une variable dite parasitaire (« spurious » en anglais), en occurrence l’inclusion de la notion de contact langagier dans la conceptualisation des langues et du discours en question. Un contact tant au départ du processus de traduction dans la langue d’arrivée, qu’à la sortie dans la langue cible, et qu’aucune dé-verbalisation ne saurait oblitérer ni rendre caduc à un moment donné, pour des raisons supplémentaires, principalement diachroniques, mais aussi socio-culturelles.

Je m’explique, schéma à l’appui !

La notion de contact langagier est empruntée à Weinreich (1967) dont l’œuvre est consacrée à l’étude et à la description des langues en contact, principalement aux frontières de la Suisse.  Son œuvre sert ainsi ultérieurement de fondation théorique  aux études d’autres langues hybridées, créoles et patois, dans d’autres contextes de contact langagier, historique, économique, voire naturel,  au sein d’une famille par exemple.

Le contact langagier tel que le décrit Weinreich se manifeste sous forme d’interférence à divers niveaux du langage: phonétique, syntactique,  sémantique et discursif et s’exprime selon divers modes de communication écrits et oraux/auditifs, en fonction de divers facteurs géographiques, économiques et sociaux. Weinreich  étudie et classifie ce contact, et en particulier, les interférences entre le « Schwyzertutsch » (Suisse allemand) dans le Romansch, et les phénomènes d’emprunt.

Importée en traduction, cette notion de contact langagier permet d’expliquer très facilement les questions «d’accent » sous forme de contact ou d’intersection des systèmes phonétiques de deux langues (par ex. «zees iz veree gude » en anglais avec un fort accent français, ou à l’inverse « say tray joe-lee » en français avec un fort accent anglosaxon). De même,  l’intersection entre deux langues au niveau syntactique donnera lieu tantôt à des anglicismes connus ou insidieux (Chansu, 1984, Delisle, 1998, Sénécal, 2001) ; tantôt à des emprunts très bien camouflés et intégrés. Par exemple, qui ne parle pas en français du week-end prochain, et des difficultés de parking ou des hotdogs dégustés au coin d’une rue de Manhattan; et à l’inverse en anglais, des pirouettes, des arabesques, de la crème fraiche, du brie et du camembert!  On serait bien en peine aujourd’hui de trouver des traductions  « pures » dans les langues d’accueil respectives (terme "pur" au sens que lui donne par ex. Alain Rey, 2007) .

Il en est aussi de cette façon au niveau sémantique. En période d’innovation comme celle de l’introduction de la toile - il y a maintenant déjà 20 ans -  ou aujourd’hui sous l’influence des medias mobiles telles que Facebook ou Twitter, il n’y a pas de conception véhiculée par les interfaces de ces nouveaux moyens de communication qui ne soit pas hybridée une fois lancée à l’échelle planétaire.  Dans un français le plus pur on parlera toujours de Facebook (avec ou sans contamination des systèmes phonétiques...) ou de Twitter et des tweetos du pape, par exemple ! Encore que le terme anglais « tweet », devenu « tweetos » en français s’est en plus intégré par le biais de la morphologie, puisqu’il se décline même à tous les temps et tous les modes!!

Ce que je souhaite donc ajouter à la théorie interprétative, c’est le contact langagier.  Les moments de la langue d’arrivée « contaminée » par l’innovation et des changements profonds – de société, de moyens de communication, et mode et vie etc… qui par la suite, par voie diachronique,  se « décontamineront », se sépareront peut-être ou retrouveront dans leur système langagier indépendant, leurs propres moyens d’expression.  

Par exemple, le terme « email »  a fait tout un chemin avant de se stabiliser sous la forme nouvelle de « courriel ». On a entendu « email » et « mail » pendant longtemps, et ensuite « mél. » comme « tél. » à la suggestion du Journal Officiel [JO 20-06-2003]­, mais seulement pour introduire une adresse « URL » et pas en référence substantive, alors que la foule utilisait volontiers « mèl » à valeur de substantif mais avec un accent dans l’autre sens …

Ce  que je souhaite donc ajouter à la théorie interprétative c’est un discours de départ en contact avec d’autres langues et réalités, et à l’arrivée aussi, et ceci, sans que la dé-verbalisation puisse y rémédier à un moment (diachronique) donné.  

Au début de l’Internet par exemple, le JO a publié les termes «brouter » et «butiner » pour signifier «surfer »…. Mais il semble qu’aucune dé-verbalisation n’a su changer la conceptualisation du « surf »,  et que ce sont bien les vagues et l’océan qui dominent l’imaginaire des Internautes à l’échelle planétaire, et non les scènes pastorales …! En 2014, l’Internaute français pourrait aussi suivre les recommandations du JO et parler  «acquaplancher »…,  mais apparemment,  la foule en a décidé autrement.

Il y a encore de nombreux détails dans ce supplément de la théorie interprétative, mais dans un billet technique on ne peut pas en dire beaucoup plus!

En situation idéale, quand on traduit, on sépare les langues en contact, mais parfois le contact est soit trop profond, soit trop jeune.

J’y reviendrai surement et surtout en matière, et à force, d’exemples tirés du langage médical.

Références
Chansu, M (1984) Calques et créations linguistique. META. 29(3).
Delisle, J. (1998) Les anglicismes insidieux. L’actualité terminologique, 30(3) 17.
Franceterme.fr  -  Un site du Ministère de la Culture et de la Communication.  
Lederer, M. (2014)  Qu’est-ce qu’ interpréter selon la théorie interprétative. EMCI-  European Masters in conference interpreting.  Distance Learning  Modules.
1.       Lederer, M.  Théorie interprétative – Ré-expression
2.       Lederer, M. Théorie interprétative- Déverbalisation
3.       Lederer, M. Théorie interprétative - Compréhension
-     Rey, A. (2007) L'amour du français: Contre les puristes et autres censeurs de la langue. Paris, France: Editions Denël
Sénécal, A. (2001) La dérive anglicisante du français technique, L’Actualité terminologique, 33(4) 18.  
Weinreich, U. (1967) Languages in contact: Findings and problems. With a preface by André Martinet. London, UK: Mouton & Co.


Saturday, September 6, 2014

C’est grave Docteur ? Un exercice de style

Copyright © Françoise Herrmann

Voici un fabuleux livre publié aux Editions de l’Opportun au mois de mars 2014.
Son titre : C’est grave docteur ? Les plus belles perles entendues par votre médecin.
Son auteur : le Dr. Michel Guilbert, qui les collectionne depuis plus de 30 ans!

Et pour vous, en traduction médicale, un exercice de style, le week-end, composé d’énoncés dont le sens est à reconstituer et/ou expliquer!  

En voici quelques-unes de ces citations à élucider, toutes très, très LOL ! 
  • J’ai un ongle incarcéré…
  • A l’hôpital on m’a fait un ketchup complet…
  • Docteur : Vous dormez comment ? M. Durand : En pyjama.
  • J’ai encore une douleur de mon nerf crucial  
  • Je me suis lustré l’épaule.
  • J’ai eu une facture du tibia.
  • Ma fille est dérèglée.
  • Pas question de participer à une étude, j’ai pas envie de servir de cow-boy.
  • J’ai vraiment très mal au dos depuis plusieurs semaines. Je crois que j’ai attrapé un bungalow.
  • Je dois bientôt avoir droit à une colomboscopie.

Référence
Guilbert, M. Dr. (2014) C’est grave docteur ? Les plus belles perles entendus pas votre médecin. Paris France : Les éditions de l’Opportun. www.éditionsopportun.com

Friday, September 5, 2014

Les éponymes – parlons-en !


Copyright © Françoise Herrmann

Quid les éponymes?
Chouette, une vraie fiche technique…

L’éponyme renvoie au personnage ou au lieu qui a donné son nom à quelque chose, en occurrence un objet, un geste, une notion, et par extension sert à designer cet objet, notion, geste etc. (Monin, 1996).  L’éponyme est donc un terme qui comprend un nom propre (celui d’un personnage ‘patronyme’ ou du lieu ‘toponyme’ qui prête son nom). Lorsque ce nom propre disparait sous forme d’adjectif, de substantif ou de verbe, on parle d’éponyme banalisé (Van Hoof, 2001). C’est le cas, par exemple, de la pasteurisation et des produits pasteurisés où le nom propre de Louis Pasteur, inventeur de ce procédé, a disparu pour ne retenir que le procédé sous forme d’éponyme dit banalisé.

 Et en médecine les éponymes foisonnent ! Nous pourrions y passer plusieurs semaines…

Il y des éponymes pour designer de nombreuses parties de l’anatomie (par ex. le tendon d’Achilles, la pomme d’Adam, l’aire de Broca), de nombreuses maladies (par ex. la maladie de Charcot, la maladie de Creutzfeldt-Jacobs), des gestes de la chirurgie (par ex. l’opération de Bankart), des interventions (par ex. la méthode de Ponsetti pour le traitement du pied bot), des instruments (par ex. la pince porte aiguille de Mayo), des signes (par ex. le signe de Babinski), des examens (par ex. le frottis cervico vaginal de Pap), des unités de mesure (par ex. le score d’Apgar en néonatalogie, ou le Roentgen, mesure d’exposition aux rayons X), voire des vaccins (par ex. le vaccin de Sabin antipolyomyélitique,  le B.C.G ou vaccin de Calmette-Guérin antitberculeux), etc…

Outre leur catégorisation (par ordre de fréquence, par type de référent …), quel intérêt? 
Moult, moult!

 Premièrement, pour les férus d’étymologie, leur histoire et l’Histoire. Découvrir à l’occasion de leur classification, qui est l’illustre personnage qui a éponymisé ou qui fut éponymisé posthumement. On y découvre ainsi, en médecine, Jean Martin Charcot, Marie et Pierre Curie ou Louis Pasteur,  mais aussi le joueur de baseball américain « Lou Gehrig », Alfred Musset (le poète) et Œdipe! Et pour les lieux éponymisés, la rivière Ebola de la République du Congo, par exemple, qui donne son nom au virus qui fait rage aujourd’hui  (au mois de Sept. 2014) en Afrique de l’Ouest.  

Deuxièmement, pour les traductrices et traducteurs, il existe certaines  difficultés identifiées par rapport à la traduction des éponymes. Certes, il s’agit de noms propres, lorsque l’éponyme n’est pas banalisé, mais les éponymes ne se traduisent pas toujours par le même nom propre dans les deux langues, précisément en raison de l’étymologie, mais aussi d'autres aspects socio-culturels des éponymes. Par exemple, on parle de la maladie de Charcot en France et de la maladie de Lou Gehrig aux USA. Dans les deux cas il s’agit de la SLA - sclérose latérale amyotropique. On dit aussi la maladie de Graves aux USA et la Maladie de Basedow en Europe pour designer des troubles de la thyroïde.

 Les éponymes sont aussi parfois homonymiques (un seul éponyme avec des significations différentes). Par exemple, la maladie de Paget (Paget’s disease) qui se rapporte à trois maladies différentes: la maladie de Paget du mamelon (forme de cancer du sein), la maladie de Paget des os (ostéite déformante) et la  maladie de Paget génitale (l’abcès de Paget) d’après le chirurgien et médecin britannique Sir James Paget (1814-1899).

Ailleurs on parlera de ces difficultés de la traduction en termes de pièges. En tous les cas, il faudra faire attention et bien vérifier la traduction de l’éponyme dans un dictionnaire avant de se ruer vers une traduction texto sous prétexte qu’il s’agit d’un nom propre. 

Mais ce n’est pas tout ! Troisièmement, on s’intéresse aussi aux éponymes pour essayer de répondre à la question : “Pourquoi les éponymes? ». Et là, les explications passent du charitable à l’impitoyable!

Coté charitable on parlera d’humanisation du corpus médical. On célèbre et honore les personnes qui ont contribué à la science. Van Hoof (1986) nous dit :
« “L’habitude d’accoler un éponyme à une loi, à une maladie, à un symptôme, ou à une unité est fort ancienne, on a  ainsi perpétué la mémoire de ceux qui ont contribué à la science ou à l’art de guérir; et c’est la justice.”
Côté impitoyable, Balliu (2010) démasque l’auréole scientifique du langage de la médecine dans un contexte socioculturel in vivo (les consultations et services d’un hôpital), où il peut montrer à force d’énonciations prononcés par les médecins, la dissociation de ce langage rapport à son sujet principal le plus important, c-à-d le patient. Et il nous dit à l’égard des éponymes:
“L’éponyme médical, fréquent, dérobe au patient sa pathologie pour que le médecin qui a découvert l’agent infectieux  ou la maladie (et parfois la guérie) puisse entrer à jamais dans l’histoire de la médecine. »
Mais sachez, en fin de compte, qu’en 2014, on décourage dans les écoles de médicine l’usage des éponymes, tout simplement parce que leur utilisation n’est pas aussi précise que les termes scientifiques et ainsi risque de nuire à l’efficacité de la communication, et aussi parce que la médecine évolue. Par exemple, on parlera aujourd’hui de la Trisomie 21, et non plus du syndrome de Down. Et, en ce cas, à la vérité, vive la vérité !  ~( :>

Références
Balliu, Ch. (2010) Le traducteur, le médecin et le patient. META, vol. 55(1) pp. 15-22.
Monin, S. (1996) Termes éponymes en médecine et application pédagogique. Actes du 17e Colloque de GERAS.
Van Hoof, H (1986) Les éponymes médicaux: Essais de classification. META, vol. 3(1) pp. 59-84
Van Hoof, H. (1993) Dictionnaire des éponymes médicaux, français-anglais  Louvain-la-Neuve, Belgique: Peeters BCILL (72) Bibliothèque des Cahiers de  L’Institut Linguistique de Louvain.
Van Hoof, H. (2001) La traduction des éponymes médicaux banalisés de la langue anglaise. META, vol. 45 (1), 82-91.

Wednesday, September 3, 2014

Mais, comment peut-on enseigner la traduction médicale?

Copyright © Françoise Herrmann

….surtout lorsqu’on n’est pas médecin…

Rien de plus facile… on vous l’aura chuchoté à l’oreille.

 Il s’agit de l’enseignement d’un langage. Ce n’est pas la même chose que l’enseignement de l’anatomie, de la physiologie ou de la pathologie…. En fin parcours d’un enseignement de la traduction médicale on devient traductrice ou traducteur spécialisé(e) et non médecin. Ce n’est pas du tout, du tout pareil…

Oui, il s’agit de l’enseignement du langage de la médecine : son histoire vielle de plus de 2000 ans, sa fabrication de toutes pièces, dites savantes, à partir du latin et du grecque, parfois même sacrilège lorsque hybridée (Guérin, 2001). Son dédoublement dans une multitude de synonymes sous pression des forces diachroniques, des découvertes, de la mondialisation, de l’appropriation par la foule des médecins (McMorrow, 1998). Toutes ses abréviations: à fonction mnémotechnique, néologique sous forme d’acronymes, et pour faciliter la limpidité et l’économie des communications. Le foisonnement de ses éponymes, à fonction humanisante dans leur défi du temps, selon une de leurs interprétations les plus charitables (Van Hoof, 1986). Sa dépersonnalisation, qui lui font oublier son sujet le plus important “le patient” (Balliu, 2005)!  Et son immensité, son étendue tentaculaire, son éclatement dans une multitude de domaines, spécialisations et sous-spécialisations au gré des grandes découvertes de sa longue histoire. Sans oublier ses pièges qui se réduisent parfois à un seul phonème!

En effet, il y en a pour tout le monde dans le langage médical… des fanas de l’orthographe aux accros du social…

Ce qui surprend aussi, mais cette fois du côté des traductrices et des traducteurs, c’est aussi l’existence des théoricien(ne)s de la traduction médicale. Tous ces experts de la traduction médicale qui savent reculer suffisamment pour l’observer, l’objectiver, la mettre à l’épreuve, et en dire très long, au sujet de son fonctionnement, de ses propriétés, de ses effets, et des moyens de l’enseigner.

En fait, il aurait peut-être fallu répondre plus haut: “ Mais lisez donc Van Hoof, Vandaele, Balliu, Rouleau, Jammal, Guérin, Monin, et tant d’autres…” . Sauf que cela aurait fait bifurquer le sujet… vers celui de la pédagogie… Bien sûr que nous les lisons. Ce sont eux les indispensables… eux qui décrivent le langage de la médecine, eux qui donnent forme et substance à un cours de traduction médicale et qui l’éclairent. Mais encore faut-il savoir leurrer les traducteurs et traductrices vers ces lectures dans une tradition très verrouillée et fière de ses méthodes  d’apprentissage par la pratique de la traduction. Pour cela, il faut donc trouver l’exemple en traduction qui se rapporte aux écrits, et faire tremplin ! La synchronicité aidant, ce n’est pas impossible.

Je disais donc, oui, le langage de la médecine première partie…et non la génétique première année.  Et pour nous, qui sommes toutes « tellement  douées pour les langues »… qui connaissons  leur secret, leur syntaxe et sémantique, et qui passons notre temps à les remettre à leur place en traduction, chacune dans leur système et sans intersection, il s’agit d’un jeu d’enfant, facile et fascinant!  ~(  :>

férences
Balliu, CH (2005) Le nouveau langage de la médecine : Une affaire de socioterminologie. META, vol 50(4).
Guérin , S. (2001). Emploi des termes hybrides gréco-latins dans le langage médical. META, vol. 46, (1), p. 1-75.
McMorrow, L. (1998) Breaking the Greco-Roman mold in medical writing : the many languages of 20th century medicine. In Translation and Medicine, Ed. Henry Fischbach. John Benjamins Publishing Company
 Monin, S. (1996) Termes éponymes en médecine et application pédagogique. Actes du 17e Colloque de GERAS, 11-14.
Van Hoof, H (1986) Les éponymes médicaux: Essais de classification.  META, vol. 3(1) pp. 59-84.

Tuesday, September 2, 2014

Une méthode: Indispensable en traduction médicale!

Copyright © Françoise Herrmann

Une méthode en traduction médicale, c’est indispensable! Et des méthodes en traduction médicales, il y en a plusieurs. 

Les étudiants en médecine passent de service en service pour apprendre la technique du grand Maître.  Le foisonnement des éponymes en témoigne. En traduction sans doute aussi, puisqu’il s’agit d’un enseignement, sauf que les Maîtres paraissent moins nombreux et surtout moins éponymisés !

Par exemple, les étudiants en traduction, voire les traducteurs et traductrices en formation continue, encercleront volontiers le Professeur Van Hoof en Belgique pour connaitre tous les secrets de ses analyses terminologiques effectuées à partir de gigantesques corpus, sans pour autant parler d’une règle de Van Hoof, ni de Van Hoofisme en découvrant plus d’une corroboration ! De même les traductrices et traducteurs les plus chanceux passeront peut-être leur thèse de doctorat sous  la direction de Madame Lederer à Paris, où ils s’imprégneront de la méthode interprétative, sans pour cela se revendiquer du Ledererisme, même s’il s’agit exactement de cela.

Pour ma part, au centre de mon cercle très chaleureux d’étudiantes, je vous avoue que ma méthode c’est une méthode qui repose sur une pluralité de méthodes, et que je serais très en peine de vous en fournir une seule et unique à l’exclusion de toutes les autres, qui de surcroit, je nommerais la mienne… Je me sens trop privilégiée et heureuse de vous introduire à l’œuvre de mes collègues et le fruit de leur longue expérience.  
  
Ceci dit en matière des méthodes, j’en ai choisi une pour vous faire démarrer. Celle de Monsieur Jammal (1999), qui à mes yeux brille par sa simplicité et facilité d’application. Ceci par souci de composer rigueur théorique avec tous nos Impératifs de gestion du temps et des dates butoirs que nous apprenons à jongler avec grande dextérité.  

Monsieur Jammal part du principe que si les médecins seuls peuvent connaître la médecine, son contenu et ses spécialités, en raison de leur initiation et exceptionnellement  longues études,  les traductrices elles peuvent comprendre un texte médical! Et cette distinction entre « connaitre » et « comprendre » est très importante, car elle nous sépare très clairement, sans pour cela nous rendre complètement incompatibles ou dans l’incapacité de communiquer. Bien au contraire !

En effet, seul le néphrologue connait le rein dans tous ses détails dont il suit aussi l’évolution des connaissances et des traitements. On ne soigne pas les reins en 2014 comme on le faisait en 1914, et on ne les connait pas de la même façon non plus, compte tenu par exemple des technologies de l’imagerie. Mais peu importe ces difficultés d’un sujet mouvant pour les traductrices, qui elles cherchent à comprendre dans une recherche documentaire, un traité ou article de néphrologie, dans le but de le traduire, sans jamais en savoir autant que le médecin en matière de néphron et de médecine. La compréhension ne repose pas forcément sur les mêmes acquis ou connaissances.

À cet égard Jammal propose une recherche documentaire en 4 étapes qui  permettront  de cibler les informations pertinentes pour comprendre un texte médical avant d’en aborder la traduction.

Ces 4 étapes sont les suivantes:
1.  Anatomie – Quel est l’organe, l’appareil ou le système qui fait l’objet du document à traduire ?
2.  Physiologie – Quel est le fonctionnement de cet organe, appareil ou système ?
3.  Pathologie – Quelle est la maladie, le dérèglement, la carence ou la défaillance de l’organe, du système ou de l’appareil en question ?
4. Thérapie – Quel est le traitement proposé ou étudié, son action, son effet thérapeutique, sa composition, sa posologie ou son régime, etc…
Les réponses à ces questions vous permettront de démarrer. Elles vous permettront à la fois de cibler votre recherche, et de cerner le sujet du texte, de le comprendre suffisamment pour en aborder la traduction, et par la même occasion de vous introduire dans un nouvel univers linguistique afin d’y découvrir les mots et les structures qui l’expriment et s’y rattachent.
Ce n’est pas tout, bien sûr, mais c’est indispensable ! ~(  :>


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Réferences
Jammal, A. (1999). Une méthodologie de la traduction médicale. Meta, Vol. 44, No. 2, p, 127-237.
Lederer, M. (2006) La traduction aujourd’hui : Le modèle interprétatif. Paris, France : Nouvelle Edition Hachette
Lederer, M. (2003) Translation: the interpretive model. Translated by Ninon Larché.  Manchester, UK: St. Jerome Publishing.
Van Hoof, H. (1986). Précis de traduction médicale.  Paris, France : Editions Maloine.
Van Hoof, H. (2000). De la tête aux pieds – Les images anatomiques du français et de l’anglais. META, vol. 45, (2), pp. 263-355.

Monday, September 1, 2014

Bistouri pour le serment d’Hippocrate

Copyright © Françoise Herrmann

Tant aux USA qu’en France les études de médecine se couronnent en prêtant solennellement le serment d’Hippocrate. Un acte qui enracine sans doute la médecine dans ses origines si profondes et anciennes de l’Antiquité grecque, d’il y a plus 2000 ans.  En effet, Hippocrate le Cos, est né aux alentours de l’an 460 av. JC. Médecin et philosophe on le considère père de la médecine, pour avoir fondé la discipline de la médecine et l’éthique de ses praticiens. Deux mille ans plus tard, on souhaiterait de toute évidence lui rendre hommage, en prononçant ses paroles, et peut-être par la même occasion s’approprier un peu de sa sagesse et de son savoir.

Mais serait-ce vraiment possible de prononcer ces paroles vieilles de deux mille ans, aujourd’hui, sans se heurter à l’évolution de la médecine, des sciences et technologies, des mœurs et pratiques, voire la résistance des maladies elles-mêmes?  Peut-on prétendre que le serment d’Hippocrate n’a pas vieilli comme s’il s’agissait d’une tirade de Molière ou d’un sonnet de Shakespeare, avec quelques siècles supplémentaires ?

Pour répondre à ces questions, il suffit de souligner tous les coups de bistouri apportés au serment  d’Hippocrate en comparant  trois versions: la version d’origine de l’antiquité grecque, une traduction de la version grecque d’origine, et le serment tel qu’il est prononcé en Belgique et en France, par exemple, aujourd’hui, selon les informations des sites de l’Ordre des médecins belges  ou  français.

Je vous laisse contempler la version grecque d’origine, et je souligne pour vous certaines différences, pour ne pas tout barioler, entre la traduction de la VO  d’il y a 2000 ans et une version courante dudit Serment d’Hipprocrate, en occurrence celle de l’Ordre National de Médecins (en France) en date du 1er mai 2012.. 

Version grecque antique

Traduction de la vo grecque antique

            Version contemporaine

OPKOΣ

μνυμι πόλλωνα ητρν, κα σκληπιν, κα γείαν, κα Πανάκειαν, κα θεος πάντας τε κα πάσας, στορας ποιεύμενος, πιτελέα ποιήσειν κατ δύναμιν κα κρίσιν μν ρκον τόνδε κα ξυγγραφν τήνδε. γήσασθαι μν τν διδάξαντά με τν τέχνην ταύτην σα γενέτσιν μοσι, κα βίου κοινώσασθαι, κα χρεν χρηίζοντι μετάδοσιν ποιήσασθαι, κα γένος τ ξ ωτέου δελφος σον πικρινέειν ἄῤῥεσι, κα διδάξειν τν τέχνην ταύτην, ν χρηίζωσι μανθάνειν, νευ μισθο κα ξυγγραφς, παραγγελίης τε κα κροήσιος κα τς λοιπς πάσης μαθήσιος μετάδοσιν ποιήσασθαι υοσί τε μοσι, κα τοσι το μ διδάξαντος, κα μαθητασι συγγεγραμμένοισί τε κα ρκισμένοις νόμ ητρικ, λλ δ οδενί. Διαιτήμασί τε χρήσομαι π' φελεί καμνόντων κατ δύναμιν κα κρίσιν μν, π δηλήσει δ κα δικί ερξειν. Ο δώσω δ οδ φάρμακον οδεν ατηθες θανάσιμον, οδ φηγήσομαι ξυμβουλίην τοιήνδε. μοίως δ οδ γυναικ πεσσν φθόριον δώσω. γνς δ κα σίως διατηρήσω βίον τν μν κα τέχνην τν μήν. Ο τεμέω δ οδ μν λιθιντας, κχωρήσω δ ργάτσιν νδράσι πρήξιος τσδε. ς οκίας δ κόσας ν σίω, σελεύσομαι π' φελεί καμνόντων, κτς ἐὼν πάσης δικίης κουσίης κα φθορίης, τς τε λλης κα φροδισίων ργων πί τε γυναικείων σωμάτων κα νδρων, λευθέρων τε κα δούλων. δ' ν ν θεραπεί δω, κούσω, κα νευ θεραπηίης κατ βίον νθρώπων, μ χρή ποτε κλαλέεσθαι ξω, σιγήσομαι, ἄῤῥητα γεύμενος εναι τ τοιατα. ρκον μν ον μοι τόνδε πιτελέα ποιέοντι, κα μ ξυγχέοντι, εη παύρασθαι κα βίου κα τέχνης δοξαζομέν παρ πσιν νθρώποις ς τν αε χρόνον. παραβαίνοντι δ κα πιορκοντι, τναντία τουτέων.
Texte grec  ed. E. Littré, Oeuvres complètes d'Hippocrate, vol. 4 (Baillière, Paris 1844), p. 628-632.

Serment d'Hippocrate

Je jure par Apollon médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce contrat; de considérer d'abord mon maître en cet art à l'égal de mes propres parents; de mettre à sa disposition des subsides et, s'il est dans le besoin, de lui transmettre une part de mes biens; de considérer sa descendance à l'égal de mes frères, et de leur enseigner cet art, s'ils désirent l'apprendre, sans salaire ni contrat; de transmettre, les préceptes, des leçons orales et le reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître, et aux disciples liés par un contrat et un serment, suivant la loi médicale, mais à nul autre.

J'utiliserai le régime pour l'utilité des malades, suivant mon pouvoir et mon jugement; mais si c'est pour leur perte ou pour une injustice à leur égard, je jure d'y faire obstacle. Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l'initiative d'une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif. C'est dans la pureté et la piété que je passerai ma vie et exercerai mon art. Je n'inciserai pas non plus les malades atteints de lithiase, mais je laisserai cela aux hommes spécialistes de cette intervention. Dans toutes les maisons où je dois entrer, je pénétrerai pour l'utilité des malades, me tenant à l'écart de toute injustice volontaire, de tout acte corrupteur en général, et en particulier des relations amoureuses avec les femmes ou les hommes, libres ou esclaves. Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au-dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes.
Eh bien donc, si j'exécute ce serment et ne l'enfreins pas, qu'il me soit donné de jouir de ma vie et de mon art, honoré de tous les hommes pour l'éternité. En revanche, si je le viole et que je me parjure, que ce soit le contraire.
Traduction
J. Jouanna, Hippocrate, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1992, annexe I.
 
Serment d’Hippocrate 05/01/2012

Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services  qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.
[Ordre national des médecins (France) ]                                                 

Quelles sont donc ces paroles que les jeunes médecins prononcent  fièrement aujourd’hui en fin de leurs études? Celles d’un Hippocrate muse, révisé, opéré, rafistolé, ré-actualisé ? Celles d’un comité d’éthique inspiré, éclairé, idéaliste, plagiste, romantique, voire démagogue?   À vous de trancher…ou d’en rajouter ! Mais rassurez-moi, car il s’agit de l’Ordre de médecins! :-) ~(  :>

 Références
Ordre des médecins – Belgique'